Croix et bonnes fontaines
Les croix
L’influence templière et l’héritage celtique
La croisade, prêchée par le pape Urbain II à Clermont en 1095, a largement contribué à faire de la croix un emblème et à relancer son culte : désormais le droit d’asile, jusque-là réservé aux églises, est étendu aux croix qui vont se multiplier tout au long des itinéraires des pèlerins.
Des dates, portées sur les croix, rappellent les Croisades : on, découvre le millésime « 1095 » sur la croix de la fontaine Saint-Sagittaire, à Saint-Setiers et, à Saint-Merd-les-Oussines, une croix sous laquelle est gravée « 1009 », date de la prise de Jérusalem lors de la première Croisade [1].
L’influence templière et l’héritage celtique
La croisade, prêchée par le pape Urbain II à Clermont en 1095, a largement contribué à faire de la croix un emblème et à relancer son culte : désormais le droit d’asile, jusque-là réservé aux églises, est étendu aux croix qui vont se multiplier tout au long des itinéraires des pèlerins.
Des dates, portées sur les croix, rappellent les Croisades : on, découvre le millésime « 1095 » sur la croix de la fontaine Saint-Sagittaire, à Saint-Setiers et, à Saint-Merd-les-Oussines, une croix sous laquelle est gravée « 1009 », date de la prise de Jérusalem lors de la première Croisade [1].
Bénéficiaires de nombreuses donations en Occident, les deux ordres majeurs (Hospitaliers et Templiers) s’installèrent sur les territoires délaissés par l’occupation monastique. C’est ainsi que les chevaliers du Temple s’implantèrent dans le fief des Ventadour [2] (en Haute-Corrèze), où ils sont à l’origine de la fondation de 13 paroisses, dont Bellechassagne, Saint-Merd-les-Oussines, Chavanac, Courteix, Comps (Peyrelevade), Carlat, la Vinadière et Féniers. D'autres ordres s'implantèrent par la suite et des transferts s’opérèrent, la commanderie de la Vinadière passant à l’Ordre du Saint-Sépulcre en 1263, tandis que celle de Comps était rattachée à Féniers en 1308 [3].
Enfin, en 1312, au moment de la suppression des Templiers par Philippe le Bel, leurs possessions étaient transmises aux Hospitaliers et la commanderie de Bellechassagne devenait la première du plateau de Millevaches, regroupant les annexes de Bugeat, Courteix, Saint-Merd-les-Oussines et Soudeilles [4]. Quant aux Antonins, ils avaient installé une commanderie à Lestards.
Au total, le Bas-Limousin a été terre d’accueil pour 9 commanderies, appartenant à des ordres variés et qui chevauchent parfois les limites du département actuel de la Corrèze.
Les Templiers sont responsables de la multiplication des croix pattées, inscrites dans un cercle, qui correspondent à la définition de la rouelle celtique et dont les exemples sont nombreux sur le Plateau de Millevaches (Les Rioux et Fournol à Saint-Merd-les Oussines, Peyrelevade, Sornac, Clairavaux, Couffy, la Tourette).
Exemple de croix patée sur une pierre tombale
visible à l'extérieur de la chapelle de Founol (Saint-Merd-les-Oussines)
Mais les modèles de croix, inspirés par la Croisade, sont multiples sur le Plateau de Millevaches :
- croix ancrées (symbole notamment de la Maison d'Aubusson),
- hendées,
- palmées,
- maltées,
- fleurdelisées (Bellechassagne et croix du cimetière de Saint-Merd-les-Oussines et de Founol),
- à double traverse
- patriarcales de Jérusalem (symbole de l'Ordre du Saint-Sépulcre).
Croix maltée Croix fleurdelisée
sur un chapiteau du cimetière de Saint-Merd,
de la chapelle de Founol
Dès le XIème siècle, y apparaissent des figurations du Christ en croix (taille en réserve ou en ronde bosse et Christ aux jambes croisées, selon la tradition languedocienne de l’époque).
Le comté de Ventadour est sorti indemne des guerres de Religion et l’essor des croix s’y est poursuivi sans discontinuité comme le montrent les croix de Lestrade (1559), Besse d’Ambrugeat (1627) ou Peyrelevade (1582). Cette dernière se rattache aussi aux « Croix de peste », souvent à fût octogonal ornés de protubérances arrondies (évoquant les bubons de la peste), ainsi nommées car elles furent érigées lors de l’extension de la Peste Noire dans le Massif central.
L'époque contemporaine
L’art des croix marque le pas au XVIIIème siècle en Corrèze et la Révolution semble avoir été discrète à l’égard des petits monuments. Tout au plus, on en devine l’intervention raisonnée à Saint-Merd-les-Oussines sur la croix de la côte de Fournol, dont les bras ont été sciés pour répondre à une nécessité économique : ainsi modifiée dans sa forme et sa fonction, la croix restait le repère indispensable sur une route soumise à l’enneigement. (ph. 24)
La montagne limousine a été, à plusieurs titres, favorisée en matière de production et conservation des croix. Pays des mégalithes, depuis longtemps christianisés, puis terre d’accueil des Templiers qui se sont employés à y imprimer leur marque de possession, le fief des Ventadour est resté à l’abri des grands courants ou remous de l’histoire.
Comme les mégalithes, les fontaines étaient des lieux privilégiés du culte antique. La christianisation
s’y est exercée par la plantation de la croix, en association fréquenteavec le culte d’un saint
(fontaine Saint Médard à Saint-Merd-les-Oussines, fontaine Saint-Sagittaire à Saint Setiers
ou fontaine Saint Georges à Tarnac).
Les fontaines sont nombreuses dans le Limousin méridional et spécialement
sur le Plateau de Millevaches qui est le grand réservoir du Massif central.
Le plateau est ainsi un domaine privilégié, témoin de l’évolution de la croix depuis les origines et, plus spécialement, depuis l’an mil jusqu’à nos jours. C’est sur ces hauteurs que l’on trouve les communes les plus riches en croix (8 à Pérols, 6 à Moustier-Ventadour, 5 à Saint-Merd-les-Oussines, Bonnefond, Lestards et Peyrelevade, 4 à Meymac, Pradines et Saint-Setiers).
Aucune province de France, en dehors de la Bretagne, n’était prédisposée à cette vocation.
La croix en Tau de l’enfeu de Saint-Merd
La forme en tau des deux croix en bas-relief (montant élargi à la base surmontée d’une tête horizontale), rattache cette sépulture à la commanderie des Antonins (Ordre de Saint Antoine), installée à Lestards au temps des Croisades. Les archéologues y voient l’héritière de la croix ansée des Egyptiens qui était un signe protecteur.
Source : « Croix de Corrèze » de Jacques Baudoin, Editions Créer
[1] Au lendemain de la prise Jérusalem par les Croisés (1099), deux ordres de moines-chevaliers sont créés pour protéger les pèlerins : les Templiers (Ordre du Temple) et les Hospitaliers (Ordre de l’Hôpital). Un peu plus tard, s’y ajouteront les Sépulcrins (Ordre du Saint Sépulcre) et les Antonins (Ordre de Saint Antoine).
[2] Erigé en comté de 1350 à 1578, ce fief recouvre la Montagne limousine, terre d’élection du granite, avec les Monédières et le Plateau de Millevaches (de « melovacua » : plateau dénudé).
[3] J-B. Poulbrière, t.2, 1964, p.395.
[4] L. Niepce, 1883, p.282-283.